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Sébastien

18 avril 2017

« Le traitement du foncier dans les montages opérationnels »

Les 16 et 17 février 2017, un séminaire sur le traitement du foncier dans les montages opérationnels s’est tenu à l’université de Lausanne. Organisé par l’association française « Foncier en débat », ce séminaire réunissait des chercheurs et des praticiens de l’aménagement d’horizons différents et de domaines professionnels variés pour échanger sur les modalités de mise en œuvre et sur l’efficacité de dispositifs opérationnels ou d’incitations publiques permettant de faciliter la mobilisation du foncier tout en contrôlant son coût dans un processus d’aménagement. Les questionnements principaux étaient les suivants :

> Comment gérer et agir sur la valeur foncière à travers les montages de projet ?

> Quels sont les outils de remembrement ou d’améliorations foncières à disposition des autorités publiques ?

> Comment aménager la ville sans acquisition foncière ?

> Quels sont les outils ou les montages possibles pour les opérateurs privés ?

Quinze interventions ont permis d’illustrer la multiplicité des possibilités offertes lorsqu’il s’agit de traiter le foncier dans les projets d’aménagement. Certaines interventions ont exposé la manière dont les contraintes foncières ont participé à la constitution d’un projet d’aménagement (projet du PAV à Genève, opérations de régénération de friches sidérurgiques en Wallonie). D’autres interventions se sont attachées à présenter des outils permettant d’agir sur la valeur foncière ou d’engager des opérations d’aménagement sans acquisition préalable de foncier par l’opérateur : chartes locales de prix maîtrisés, baux à construction de longue durée pour accession sociale, bail emphytéotique pour les équipements publics, bail réel solidaire et organisme de foncier solidaire, remembrement-relotissement en Wallonie, syndicat d’amélioration foncière dans le canton de Vaud, association foncière urbaine en France. Enfin, deux exposés se sont intéressés au rôle des promoteurs immobiliers dans les processus d’aménagement urbain.

La diversité des problématiques abordées au cours de ce séminaire a, tout d’abord, permis de mettre en avant la diversité des acteurs qui peuvent intervenir dans une opération d’aménagement [les collectivités publiques au sens large, les promoteurs et les aménageurs publics et privés, les opérateurs fonciers qui bénéficient généralement d’un statut public, et bien entendu les propriétaires, eux-mêmes fort divers], mais surtout l’évolution de leur articulation et de leur relation. La tendance actuelle se dirige dès lors vers un urbanisme concerté, la production d’une ville négociée dans laquelle les différents acteurs n’interviennent plus successivement, mais conjointement dès le début des réflexions sur un projet d’aménagement.

Les différents exposés et les discussions qui les ont accompagnés ont également permis de mettre en avant le rôle du contexte foncier dans la manière dont ces différents acteurs interviennent et interagissent.

Dans les secteurs soumis à de fortes tensions foncières et immobilières où la valeur du foncier est telle que certains programmes ne peuvent y être envisagés sans une intervention publique, les collectivités interviennent souvent de manière active en acquérant le foncier (droit de préemption, droit d’emption), soit directement, soit par l’intermédiaire de structures dédiées comme les établissements publics fonciers français ou les fondations (FTI à Genève). Forte d’une maîtrise foncière et de la réglementation des droits à bâtir, la collectivité peut alors « imposer » aux aménageurs et promoteurs certains types de programmes. Cependant, dans un contexte de renchérissement continu du foncier et de réduction des capacités d’investissement des collectivités, ces dernières n’ont plus forcément les moyens de toutes leurs ambitions d’aménagement. D’autres modèles d’action foncière et immobilière sont ainsi développés tels que les chartes locales de prix maîtrisés, le bail réel solidaire avec organisme de foncier solidaire ou encore le bail emphytéotique pour les équipements publics. Ces modèles d’intervention étant relativement récents, les conditions de leur efficacité restent toutefois encore à étudier et à approfondir.

Dans les secteurs où les marchés fonciers et immobiliers sont moins tendus, mais dynamiques, les collectivités publiques et les grands acteurs de la promotion semblent moins proactives dans les opérations d’aménagement. Dans ces conditions, ce sont de petits promoteurs immobiliers et les propriétaires fonciers qui semblent jouer un rôle majeur dans l’engagement d’opération d’aménagement. Pour faciliter cette dynamique, des outils similaires ont été développés dans le canton de Vaud (les syndicats d’amélioration foncière), en France (les associations foncières urbaines) et en Wallonie (opération de remembrement-relotissement). Similaires dans leurs principes, ces différents outils connaissent des destins contrastés. Ils sont très peu mobilisés en Wallonie, peu connus et mis en avant en France et régulièrement mobilisés dans le Canton de Vaud.

Finalement, par le prisme de la maîtrise foncière, cette journée a interrogé le rôle des collectivités publiques dans les processus d’aménagement alors que la tendance actuelle se dirige vers un urbanisme concerté, la production d’une ville négociée. On est ainsi en droit de se demander si le rôle traditionnel que jouent les collectivités publiques n’est pas trop important dans le modèle de la ville négociée et risque d’entraver certaines opportunités privées parfois quelque peu divergentes à ces visions. Autrement dit, le rôle d’une collectivité publique dans les opérations d’aménagement doit-il être contenu au rôle de facilitateur ou doit-il être institutionnalisé dans la perspective d’un développement des villes relativement déterminé dans le but de mettre en scène leur territoire?

Source: https://www.unil.ch/igd/fr/home/menuguid/evenements-igd/congres-et-colloques/2017/fonciers-en-debat.html

Auteurs de cette synthèse: Sébastien Joubert et Simon Chevalley