Aspirations résidentielles (retour d'une conférence d'Yves Chalas et quelques considérations personnelles)
Lors d’une récente conférence à la Fondation Braillard, Yves Chalas a présenté le résultat d’une de ses recherches qui visait à cerner pourquoi les gens quittaient leur logement au centre ville pour s’installer dans le périurbain, en général dans un pavillon de banlieue (en Suisse on dirait dans une villa à la campagne…).
5 motifs principaux ressortent de ses enquêtes :
- La nécessité d’avoir un endroit pour garer sa voiture. Nous sommes de plus en plus mobiles en raison d’un éclatement géographique de nos activités. Cette mobilité est d’ailleurs valorisée. Elle est le reflet de notre multiappartenance à des réseaux sociaux choisis.
- La nécessité d’avoir plus de places de rangement (des placards !). Nos activités de loisirs et sportives (ski, tennis, plongée, vélo, appareils multimédias, …) nécessitent beaucoup d’équipements. Il faut de la place pour les ranger. Son enquête mettait en avant que dans un appartement standard en ville, l’espace de rangement occupait 4% de la place. Alors que dans un logement individuel (villa), le rangement occupe 40% de la place !
- « L’envie de nature », qui se traduit par un désir de terrasse ou de jardin. Un désir qui s’inscrit dans une valorisation généralisée de la relation corporelle, hédoniste et sensorielle au monde.
- La prise en compte d’aspects environnementaux : faire son compost, mettre des panneaux solaires, isoler son logement. Des actions (un engagement) difficile à mettre en pratique dans un appartement en copropriété au centre ville.
- L’évolutivité, la capacité à transformer son habitation. Cela recouvre autant la notion de plaisir à transformer, à bricoler son chez soi (en France, 50% des permis de construire portent sur l’évolution de son habitat) que le fait de pouvoir adapter son logement à l’évolution du parcours familial.
Les aspirations en Suisse ne doivent pas être fondamentalement différentes de celles en France. Sachant cela, on peut s’interroger sur la portée des politiques cantonales qui visent à concentrer l’urbanisation dans les centres. Lorsqu’on décrète que la majorité des surfaces bâties pour accueillir la croissance démographique devra être concentrée dans les centres urbains, cela occulte le fait que les m2 en ville et dans le périurbain ne sont pas comparables. On ne peut pas réduire les aspirations résidentielles à une équation mathématique et considérer tous les m2 comme équivalents en qualité. Derrière ces m2, se cachent des projets de vie. C’est une réalité.
On peut bien entendu chercher à orienter la demande (c.f. l’urbanisme d’après crise de A. Bourdin), mais pour cela il faudra offrir des logements et des environnements qui présentent des qualités au moins équivalentes à celles qui sont recherchées. Enjeu d’autant plus difficile à l’heure d’une crise qui nécessite de produire massivement des logements. Et qui place notre action au coeur d’un défi majeur : concilier qualité de vie et qualité de ville, faire converger politique du logement et politique de l’habitat (habiter ce n’est pas seulement se loger. Habiter tient compte des dimensions sociales, économiques, environnementales, … que l’on attache à son « chez soi »).
Un beau programme qui nous attend et qui exige plus que jamais que l’on s’interroge sur nos pratiques professionnelles !