Densité-qualité

Comprendre et communiquer*

En tant que problématique urbaine, la densité n’est pas un thème nouveau. Depuis longtemps, les professionnels de l’urbanisme savent qu’une densité donnée peut se traduire dans des formes bâties diverses. Néanmoins, la démonstration se limite souvent à l’illustration de trois archétypes urbains (la villa, la tour, le plot) posés sur un hectare unique et uniforme. Ces modèles font abstraction d’un contexte quelconque et la traduction de ces archétypes par des acteurs locaux (habitants, élus, etc.) est troublante: quelle véritable projection d’un mode de vie ou d’un environnement quotidien représentent finalement ces archétypes ?

Débattre de la densité en dehors d’un cercle professionnel restreint impose de trouver de nouvelles formes de communication et une rigueur méthodologique. Selon les approches choisies – à partir de la surface foncière, constructible, d’un bâtiment, d’un quartier entier, etc. – les densités calculées peuvent varier du simple au triple. Si l’enjeu est de communiquer sur la densité à un public élargi, liée à un caractère urbain déterminé, la méthode doit alors s’affranchir des limites foncières ou de la localisation des infrastructures de la ville (1), pour se rapprocher de la réalité du terrain, de l’espace ressenti.

Ensuite, des exemples locaux se révèlent indispensables pour la discussion avec les habitants, ceux qu’ils pratiquent peut-être, qu’ils connaissent certainement. L’ancrage local permet de donner un visage aux chiffres, mais aussi d’orienter le débat selon les enjeux du territoire en question. Petit à petit, s’opère alors une déconstruction du mythe de la densité haute comme synonyme de bâtiments hauts. Au travers une collection de quartiers locaux émerge également une prise de conscience : la densification peut prendre de multiples formes urbaines pour la plupart connues et appréciées par tous (2).

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De la quantité aux qualités – comment en parler ?

Cette mise en contexte de la densité nous permet de dépasser sa notion quantitative pour se concentrer vers les qualités propres aux différentes formes urbaines. Quels sont leurs rapports au paysage, à l’environnement proche, à l’espace public, etc. ? Les qualités que l’on peut trouver dans chaque forme urbaine mettent également en évidence des aspirations résidentielles et des modes de vie différenciés (3).

Même s’il n’existe pas de “petit manuel des qualités requises à un quartier”, on peut distinguer six critères clés qui permettent de décrire des appréciations transversales, de structurer l’analyse, d’initier le débat, de préciser les qualités – ou les défauts – d’un espace urbain ou quartier² :

  • la multiplicité d’usages de l’espace public,
  • l’adaptation à l’environnement,
  • la transition entre les différents espaces,
  • l’implantation de services de proximité,
  • la mobilité et liberté de mouvement,
  • l’aspect visuel du quartier.

Ces critères visent à porter un regard systématique sur les quartiers, ce sont des outils d’appréciation des choix d’aménagement urbains. Non exhaustifs, ils ne correspondent pas à un manuel des qualités rigoureusement requises pour faire un «bon quartier», mais ils donnent des clés de lecture qui permettent de structurer l’analyse et initier le débat sur cette notion.

Notre regard sur les quartiers est forcément partiel et orienté, détaché de l’expérience vécue quotidiennement par ses habitants. La vie associative et les réseaux de solidarité qui peuvent émerger dans un quartier représentent par exemple une dimension qualitative fondamentale que nous n’évoquons pas dans nos critères car elle dépend de l’expérience vécue des habitants. C’est finalement avec le temps que les quartiers révèlent leur aptitude à offrir des appropriations diverses et à favoriser les initiatives des habitants.

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Mais qu’appelons nous quartier ?

La définition généralement entendue par quartier est alors celle d’une partie de ville ayant une physionomie propre, une certaine unité structurelle.

Au delà de cette compréhension formelle et potentiellement restrictive, le terme “quartier” peut enfin être considéré du point de vue du voisinage : habiter le quartier; les habitants du quartier, passer dans le quartier. On entre alors dans une définition plus sensible, celle de l’expérience vécue d’appartenir à une entité à la fois tangible et imprécise, échelle intermédiaire entre l’habitat et la ville.

Il n’est pas rare d’entendre parler d’un café, d’une épicerie ou d’un médecin de quartier. Cette utilisation du terme quartier, associé aux lieux de fréquentation courante, parle en fait d’une qualité de proximité.

Peut-être trouvons nous dans cette notion de proximité une des clefs de définition d’un “quartier”, celle de l’échelle d’une accessibilité piétonne tissant du lien dans la vie quotidienne entre logements, commerces, parcs et équipements.

 

Quartier vécu / ensemble architectural cohérent

Les quartiers comme entités vécues étant complexes à définir dans leurs limites géographiques, les “quartiers” courant identifiés dans la sphère de la planification correspondent en réalité à des ensembles architecturaux cohérents, c’est à dire des entités opérationnelles de construction présentant une morphologie bâtie homogène et un périmètre clairement identifiable.

Il est néanmoins essentiel d’intégrer à l’analyse les équipements, services, commerces et parcs qui sont au delà de l’emprise stricte de ces périmètres d’étude mais qui, selon leur proximité, participent à la qualité de vie de ces “ensembles architecturaux”. Or l’offre de transports publics, de services, commerces et équipements résulte d’une politique locale et régionale plus ou moins volontariste.

On comprend alors que ce qui participe à la qualité d’un quartier dépend aussi fortement d’une échelle supérieure de planification ainsi que de leur évolution dans le temps².

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La mise en œuvre d’une densité de qualité

Si un chiffre et une vision morphologique ne sont pas suffisants pour développer un projet de densification, tout comme un changement d’affectation et un assouplissement des règles ne permettront pas nécessairement d’atteindre les qualités attendues, un ensemble de conditions tant urbanistiques que socio-économiques doivent être prises en compte (4).

Afin de déplacer le débat vers les qualités des quartiers et des opérations urbaines, il est nécessaire de comprendre ce que soulève la densité dans un contexte, une région et de ne pas appliquer par défaut des modèles de densification sans tenir compte d’un caractère social et économique spécifique. C’est pourquoi la communication et le travail direct avec les habitants et utilisateurs des quartiers, des villes, des régions, est essentielle pour faire émerger une conception collective des projets.

 

*Credits : Ce texte contient des extraits de l’article “La diversité de la ville compacte” (5). Les contenus concernant directement l’étude de communication “Densité-qualité” ont été développés en étroite collaboration avec les bureaux du Schéma directeur de Région Morges et du Schéma directeur du Nord Lausannois.

 

Quelques articles et liens à propos des études “Densité-qualité”

1. Quincerot R. et Riedo E., Densité bâtie et autres indicateurs pour l’aménagement, canton de Genève, Octobre 2012.

2. urbaplan et le Schéma directeur de Région Morges, Densité et formes urbaines dans la région morgienne, Plan de communication du SDRM, 2013.

urbaplan et le Schéma directeur du Nord Lausannois, Comparatif de densité et qualité de vie dans le Nord Lausannois, Plan de communication du SDNL, 2014.

urbaplan et le Schéma directeur de Région Morges, Densités-qualités: comment communiquer sur la densité urbaine?, 5èmes Rencontres du Cadre de Ville, Lyon, octobre 2014.

3. Zuercher M. et Dias S., La densité est-elle durable: des pistes à exploiter ici et maintenant, G21 Swisstainibility Forum, Juin 2014.

M. Weil et R Quincerot, Densité et qualité: les deux défis d’un urbanisme durable, brochure de la Chambre Genevoise immobilière, 2008.

4. Weil M., Un pavé de bonnes intentions, Le Courrier édition du 7.12.2010.

Genève et Weil M., Densification de la zone de villas, Conférence à la Fondation Braillard Architectes, Juin 2013, Genève.

5. urbaplan, La diversité de la ville compacte, publié sur le site densite.ch le 1.04.2015.